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Interview de Me Coubris sur Canal+ suite à la première condamnation des Laboratoires Servier par un tribunal civil
05/11/2015
05/11/2015
Première condamnation des laboratoires Servier : pour la première fois, la justice a reconnu la responsabilité civile des laboratoires Servier pour avoir laissé sur le marché un médicament « défectueux » dont ils ne pouvaient « pas ignorer les risques ».
Maitre Jean-Christophe COUBRIS est l’invité de Daphné BURKI dans l’émission « La Nouvelle Édition » sur Canal+. Interview de l’avocat de plus de 2000 victimes du Mediator.
Daphné BURKI : « Hier, pour la première fois, la responsabilité des laboratoires Servier a été reconnue dans le scandale du Mediator. Deux malades ont obtenus réparation. Le tribunal jugeant que Servier avait mis sur le marché un « médicament défectueux » dont il ne pouvait ignorer les risques.
Bonjour Jean-Christophe COUBRIS. Bienvenu sur le plateau de la nouvelle édition. Vous êtes avocat. On vous présente d’ailleurs souvent comme la « bête noir des labos pharmaceutiques », on peut le dire comme ça ? C’est aussi vous qui vous étiez occupé des prothèses PIP.
Aujourd’hui vous défendez 2000 victimes du Mediator. On imagine que le jugement d’hier, c’est une satisfaction pour vous ? »
Jean-Christophe COUBRIS : « Tous les jugements qui vont condamner le Laboratoire Servier m’apporteront satisfaction, c’est une certitude. Malheureusement ce n’est qu’une première étape. Il faut bien prendre conscience que ce jugement reste sur le plan civil … »
Daphné BURKI : « Bien sur, mais est-ce que c’est un bon signal pour l’ensemble des malades ? »
Jean-Christophe COUBRIS : « c’est un excellent signal pour les malades qui sont tous dans l’inquiétude d’une date de procès avenir (NDLR – procès pénal), dont on ignore tout, et qui sont malheureusement pour un certain nombre âgés, et qui attendent avec impatience d’être considérés comme victimes et d’être indemnisés de leurs préjudices. »
Daphné BURKI : « Alors, vous parlez d’indemnisation … Le niveau d’indemnisation décidé par le tribunal … il est très faible … 30 000€ au lieu des 900 000€ demandés.
Écoutez la colère d’Irène FRACHON, c’est cette pneumologue qui avait lancé l’alerte il y a 8 ans sur les effets secondaires du Mediator. »
Irène FRACHON : « C’est un mauvais signal envoyé par ce jugement car, quelque part, on pourrait presque penser que c’est un permis de tuer. Si on voit d’une part, ce qu’a rapporté ce médicament en termes de bénéfices au Laboratoire, et ce que cela leur coûte en … aumônes pour réparer, soit disant, les drames que cela a entrainé … Il y a vraiment quelque chose qui ne va pas du tout. »
Daphné BURKI : « Jean-Christophe, vous êtes d’accord ou elle y va un petit peu fort selon vous ? »
Jean-Christophe COUBRIS : « Je préférerai nuancer légèrement les propos du docteur FRACHON.
A cette occasion, je la remercie pour le combat qu’elle mène parce que sans elle, il n’y aurait pas d’affaire Mediator, et elle est remarquable auprès des victimes tant elle est disponible a tout instant.
Sur cette notion d’indemnisation, c’est un sujet qui est extrêmement vaste. Il y a quasiment autant de victimes, peut-être une dizaine de milliers de victimes au moins, que de séquelles différentes. Chaque individu va réagir différemment. Certaines personnes, par bonheur, n’ont pas manifestés quelques séquelles que ce soit, alors qu’elles ont absorbé une quantité de Mediator. Ce qui fait que c’est très difficile d’apprécier, réellement, ce qui a été alloué. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a une différence notoire entre la demande initiale et ce que les magistrats ont alloués. Il se peut que la demande soit un petit peu excessive aussi …
Mais je vais vous prendre un exemple. J’ai, à peu près 300 dossiers, sur lesquels j’ai reçu une proposition du Laboratoire Servier. Je vous dis tout de suite que je les refuse systématiquement car elles sont … »
Daphné BURKI : « Propositions d’indemnisation … »
Jean-Christophe COUBRIS : « Propositions d’indemnisation dans le cadre de la procédure de l’ONIAM, dans le cadre d’une discussion à l’amiable. Les offres qu’ils font sont ridicules … »
Daphné BURKI : « c’est-à-dire ? »
Jean-Christophe COUBRIS : « Alors justement, cela va vous montrer les différents visages des victimes. Cela va de 1 500€, une somme totalement aberrante, jusqu’à 300 000€ pour des victimes qui ne peuvent plus travailler, qui ont des préjudices très lourds …
C’est cette « palette » d’indemnisation qu’il faut bien entendre et comprendre. Alors, vous multipliez par 3 ou 4, déjà, ces sommes pour arriver à une juste indemnisation, donc ça c’est un point très important … »
Daphné BURKI : « Donc vous comptez demander des peines plus lourdes ? »
Jean-Christophe COUBRIS : « Je demande systématiquement aux victimes de refuser ces propositions à l’amiable, qui sont un non-sens. Qui sont à la fois, une deuxième fois victimes des Laboratoires Servier … Et il faut aller devant les tribunaux. Là, c’est un tribunal civil … de Nanterre qui s’est positionné. J’ai grand espoir sur le tribunal correctionnel, parce que cette procédure pénale elle va aboutir. Lorsque … »
Ariel Wizman : « La responsabilité est reconnue, déjà … c’est un pas énorme »
Jean-Christophe COUBRIS : « Alors, très sincèrement, j’ai 10 tomes de l’instruction dans mon bureau. Je vous garantie que pour éviter de faire condamner Servier … Je ne vois pas par quel miracle ils auraient pu s’échapper de cette situation. »
Ariel Wizman : « Naturellement. »
Jean-Christophe COUBRIS : « C’est une certitude, il avait connaissance des conséquences de ce médicament, qui est un coupe faim, et qui a été prescrit par une quantité considérable (NDLR – de médecins) pour uniquement du bénéfice. »
Daphné BURKI : « un petit point sur les chiffres Émilie … »
Émilie Tran Nguyen : « Oui Jean-Christophe Coubris, on parle d’indemnisation, justement … regardons ces chiffres depuis 4 ans … 8 886demandes d’indemnisation … 5 175 dossiers traités seulement… pourquoi est-ce que cela met autant de temps ? »
Jean-Christophe COUBRIS : « Alors très sincèrement, il faut bien comprendre que le système français n’est pas du tout adapté à ce genre de situation. Autant de victimes … on le voit … on ne le voyait quasiment pas, auparavant … Aujourd’hui, on a de plus en plus de scandales qui explosent. De ce fait il faut une capacité humaine pour gérer autant de victimes qui n’est pas forcément simple.
Et puis la plus grosse difficulté, je vais vous la dire concernant l’ONIAM, c’est de trouver des experts honnêtes. Il a fallut des années pour avoir un comité d’experts honnêtes. Comment voulez-vous que ces personnes qui ont travaillés dans les laboratoires, … plus particulièrement aussi dans les Laboratoires Servier … peuvent être totalement objectifs… soit on est dans la complaisance, soit on est dans la crédulité, soit on est dans le conditionnement et le mensonge …
Mais quoi qu’il en soit, c’est très difficile de trouver ces experts honnêtes.
Aujourd’hui nous avons une cellule d’experts remarquables à l’ONIAM. Mais ils gèrent … ils sont quelques uns … ces milliers et milliers de dossiers.
Je suis un peu surpris des chiffres qui sont officiellement annoncés. Pour ma part, j’ai déposé 1200 dossiers à l’Oniam, je n’en ai eu de retour que 500 … Donc ce n’est absolument pas le chiffre qu’ils nous présentent …
Et pire encore, quand le Laboratoire SERVIER communique – parce que ça ils savent très bien faire – qu’ils ont indemnisé … je ne sais plus … »
Émilie Tran Nguyen : « et qu’ils ont prévu 70 millions d’euros d’indemnisation … »
Jean-Christophe COUBRIS : « … des centaines et des centaines d’individus … ce n’est en tout cas pas chez nous. Nous avons systématiquement un refus (NDLR – Le Cabinet invite les victimes à refuser les offres d’indemnisation indécentes de Servier).
Donc manifestement, sauf exception, … je vous rappelle que ces personnes sont âgées et sont parfois dans la nécessité absolue … Mais … bien sûr … ils ont « mis en réserve » 70 millions … »
Ariel Wizman : « … mais ils resteront probablement bénéficiaires au bout du compte … »
Daphné BURKI : « On continuera à suivre, évidemment, cette affaire du Mediator. Merci en tout cas Jean-Christophe COUBRIS d’être venu sur le plateau de la Nouvelle Édition. Merci. Vous êtes le bienvenu pour nous raconter où vous en êtes. Merci encore. »